4 – C’est pas possible !

Et cette rencontre inoubliable eut lieu ! Ayant décidé de me reprendre en main, je pris l’habitude de faire un jogging le long de la plage de l’anse Fourud près de mon domicile. L’inaccessibilité de cette plage la rendait généralement déserte, et je fut surpris ce matin-là, d’apercevoir de loin, deux promeneurs venant dans ma direction. Ils étaient habillés, l’un tout de noir, l’autre tout de blanc, vêtement à manches longues, pantalon et casquette. En passant à leur hauteur sans les regarder, je grommelai un rapide bonjour car j’étais déjà en train de piocher dans mes réserves et c’est Jonk qui s’arrêta pour les renifler.

– Bonjour Jonk !

Je pris quelques instants pour comprendre que ces promeneurs connaissaient ce nom ce qui me fit me retourner machinalement.

– C’est pas possible ! Dis-je pantois.

Mon état d’épuisement mais surtout le choc d’avoir dévisagé les deux promeneurs me firent tomber lentement à genoux. Je restai ainsi de longues minutes à les regarder bouche bée, pendant qu’ils se présentaient et me donnaient les explications que j’attendais depuis plusieurs semaines. J’étais bien en face de Druub, habillé en noir, et de Sweeze.

– Bonjour Monsieur Flash, Je m’appelle Druub, et voici Sweeze. Vous avez effectivement compris que nous venons d’un autre monde, de la planète Tooféyine. Elle gravite autour d’une étoile que nous appelons Taspak, située dans le système stellaire Ipannbonpann. Notre technologie nous permet maintenant d’entreprendre des voyages interstellaires. Nous l’utilisons afin de connaître, étudier et comparer les autres civilisations dites intelligentes situées en dehors de notre système, dans le but de nous améliorer et de ne pas reproduire les erreurs du passé. Nous ne chercherons pas à nous faire connaître sauf dans des cas particuliers, ni à critiquer les évolutions de votre civilisation. C’est notre deuxième et probablement dernier voyage sur Terre. Le premier voyage date de près de vingt années terrestres et avait pour but de lister les grands axes de l’étude de votre mode de vie, et de sélectionner des témoins représentatifs avec lesquels on pourraient entrer en contact lors de notre deuxième voyage, et vous faites partie de cette sélection, Monsieur Flash. Nous vous avons implanté lors d’une opération indolore, un ikabaouli. Il nous a permis d’apprendre votre langue, d’étudier vos compétences et de fabriquer mon avatar terrestre.

Sans pouvoir prononcer le moindre mot, je continuai à regarder bovinement mon interlocuteur qui était mon reflet mais en bien plus jeune puis mon regard se tourna vers Sweeze quand il fit une pause. Elle s’exprima à son tour.

– Bonjour Monsieur Flash, j’espère que vous allez nous aider.

Je reconnus le visage, la voix et le sourire que je recherchait depuis si longtemps. J’étais en face de la réplique quasi parfaite de Najdeen et je ne pus m’empêcher de me remémorer les jalons de notre histoire commune. Je recommençai à retrouver mes esprits, et à mettre de l’ordre dans les questions que je voulais poser. Je compris qu’ils avaient aussi implanté un ikabaouli à Najdeen lors de leur premier voyage et qu’ils connaissaient donc tout de Najdeen ainsi que de notre histoire, et curieusement ils ne prenaient pas l’initiative de me renseigner à ce sujet. Au moment où j’allais enfin parler, Sweeze esquissa de nouveau un sourire avenant, pencha légèrement la tête de côté et fronça les sourcils comme pour anticiper une question qu’il ne fallait pas poser. Fallait-il insister ? Fallait-il s’obstiner à obtenir des réponses à des questions qui n’avaient peut-être plus d’intérêt ou qui n’en n’ont jamais eu ? Fallait-il plutôt leur faire confiance dans leur volonté de ne pas s’étendre davantage ?

Ces deux êtres qui avaient fait des milliards de kilomètres dans leur quête de progrès, venaient de me donner une belle leçon de vie. Qu’on ne pouvait pas tout savoir, tout régler ou tout maîtriser.

– Je vais vous aider. Je vous transmettrai ce que j’ai appris, si c’est bien ce que vous voulez.